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La prière, partie 7 et fin

Il y a dans la prédication de Jésus, un enseignement qui embrasse la totalité de l’existence et qui s’applique en même temps à l’individu, c’est le message de la Providence. Selon ce message, tout ce qui se passe dans le monde, tout ce qui est, est dirigé par l’amour, la sagesse et la puissance du Père pour le salut de l’homme croyant. Mais que veut dire le mot Providence ? Cela veut dire que le Dieu vivant se préoccupe personnellement de chaque individu en particulier et Il est prêt à prendre soin de lui.
Il faut que l’homme cherche le royaume de Dieu et sa justice avant toute chose, que le souci du royaume de Dieu soit le centre et la vraie force de sa vie. A partir de là, l’ordonnance de toute chose commencera à apparaître dans la vie du croyant. L’univers est entre les mains de Dieu, les lois de la nature sont à son service. Il se sert du cœur de l’homme pour régler toute chose, dans chacun des milieux particuliers comme dans l’ensemble. Dès lors que l’homme se préoccupe avec cœur de l’avènement du royaume de Dieu se vérifie pour lui la promesse faite dans l’Épître aux Romains : Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu. C’est la parole de Dieu qui nous en instruit et il faut tout risquer sur la foi de cette parole, alors la réalité de la Providence se profile entre Dieu et nous. On finira par soupçonner la signification d’un événement, d’une rencontre, d’un succès ou d’un échec.
A l’époque du Nouveau Testament, le sentiment chrétien de l’existence était déterminé entièrement par la foi en la Providence. On ne peut omettre de penser la Providence par rapport à la prière. Nous avons parlé de l’oraison. Un des sujets les plus fondamentaux concernant l’oraison est justement la Providence. Faire oraison, c’est aussi essayer de comprendre les relations de l’univers et de l’histoire à travers la Providence. Le Notre Père n’est intelligible que replacé dans la ligne de l’enseignement sur la Providence. Nous devons d’abord nous rendre compte que l’univers est placé entre les mains de Dieu vivant, comprendre notre existence en rapport avec l’action de Dieu, réaliser que le royaume de Dieu a été placé entre nos faibles mains d’hommes pour comprendre l’oraison dominicale. La Providence révèle l’action de Dieu qui se manifeste dans la vie des individus. La Providence n’agit pas selon un plan établi par avance mais s’adapte aux réalités des évènements de ma vie. Tout m’interpelle pour me dire, regarde, tout concourt au royaume de Dieu, ce que tu as gâché ne pourra être réparé. Ma vie est un carrefour où l’action de Dieu se manifeste. Le travail et le devenir chrétien sont une œuvre de collaboration où l’effort de l’homme est associé à l’effort de Dieu. Un jour nous devrons rendre des comptes à Dieu. La prière est le meilleur entraînement dans la voie de l’acceptation de ce qui est difficile et pénible. C’est l’épreuve de la foi en la Providence. C’est l’ heure du combat qui doit vaincre le monde par la foi. On apprend dans la prière à dire oui à la sagesse et à la puissance de Dieu.
Les maîtres spirituels enseignent que la prière doit peu à peu déborder sur toute la journée. Il s’agit là d’une attitude intérieure. Quoi que l’on fasse, il faut le faire en l’honneur de Dieu.

Prière aux saints et à Marie

On a tous un saint qui représente le chemin que l’on doit parcourir pour aller vers Dieu. Certes, il est là pour nous aider dans les difficultés, mais il faut penser à cette voie d’amour qu’il montrait. Penser aussi que ceux qui nous ont aimés sur cette terre nous aiment encore là haut et nous sont d’un précieux soutien par leurs prières.
Marie est la Mère du Sauveur. Elle est la mère de l’Homme-Dieu qu’est Jésus Christ. En vivant pour son enfant, elle est parvenue à la maturité de la vie chrétienne. Elle est la seule qui a pu rendre témoignage des trente années de la vie de Jésus passées dans le silence. Elle l’a fait chez Jean.  Et on ne peut évaluer l’importance que ses dires a dans l’évangile.
Les saints et Marie, quand ils interviennent sur nos misères humaines, le font en vertu de la volonté de Dieu. C’est ce qu’on veut dire quand on dit que les saints prient pour nous.

Ce qui nous guide le plus vers Marie est le désir de vivre dans un climat de sainteté.

La prière, partie 6

La prière intérieure ou oraison

Toute prière doit être intérieure si elle ne veut pas être un simple verbiage. Nous allons parler ici d’une prière qui s’efforce de quitter la parole pour tendre au silence. Nous parlons d’oraison car les mots prière contemplative et méditation sont trop étroits pour la contenir entièrement. Cette prière est tournée vers la recherche de la vérité. La vérité sacrée en tant que telle. Elle voudrait savoir qui est Dieu, ce que signifie le royaume de Dieu, avoir une idée nette de la situation de l’homme, tirer au clair le problème de sa propre existence et se faire du monde une image exacte.
Or on ne parle pas ici de théologie ou de philosophie. La connaissance est ici affaire de l’homme tout entier. L’imagination, s’attachant à un symbole s’efforce par la contemplation d’entrer en possession de l’objet qui est caché derrière ce symbole. La raison procède par vérification, par approfondissement, par comparaison. Elle reconstruit l’ensemble à partir du détail. Le jugement discerne l’essentiel de l’accidentel, la fin et le moyen, la valeur et la non-valeur et prend position. La sensibilité est touchée, bouleversée, élevée, éprouve de la nostalgie ou a le sentiment d’un accomplissement. L’être vivant se tourne tout entier vers Dieu.
Au début, l’oraison a besoin d’un objet assez vaste, comportant de nombreux points de vue. Peu à peu son objet se fait à la fois plus étroit et plus puissant. Les idées gagnent en profondeur et en fécondité. Les actes spirituels prennent la forme de la simplification, de l’adoration, de l’aspiration. Les mots se font plus rares, le langage intérieur aboutit au silence. La connaissance doit passer en acte. « Comment suis-je » doit devenir  « comment dois-je être ? Que dois-je dominer ? Que dois-je éviter ? Que dois-je faire ? » La volonté tend à maîtriser les erreurs de la vie, créer un ordre qui permette une activité meilleure et féconde. L’oraison ne doit pas se laisser prendre au rêve ou à l’inconsistance. Celui qui prie doit s’approcher de Dieu et dans cette approche doit chercher à se simplifier et à se purifier.
La vérité que l’oraison propose d’atteindre est la révélation divine. Son objet propre est la parole de Dieu et la personne du Christ. La révélation signifie que Dieu s’adresse à la raison de l’homme pour qu’il se tourne vers Lui et cherche dans ses paroles l’explication de son existence.
Il s’agit d’accepter une vérité qu’on ne peut recevoir que de la bouche de Dieu et s’approprier vraiment dans la foi. C’est parce que l’amour propre résiste que cette connaissance exige en même temps qu’une conversion des mœurs celle du regard, du jugement, du sens du vrai et du faux, de la valeur et de la non-valeur, de l’être et de l’apparence. Il faut que l’esprit s’efforce à pénétrer dans les paroles et les figures sacrées et que le cœur se familiarise avec elles. A cette condition seulement, l’homme devient capable de pénétrer peu à peu le sens du message de Dieu. La foi chrétienne consiste pour l’homme à accepter la révélation comme le commencement et le fondement de sa vie, et à s’y enraciner par sa fidélité et son amour. La conscience chrétienne est plus que cela (nous entendons le mot conscience non pas au sens psychologique mais au sens qu’il couvre l’ensemble de la vie intérieure). Par conscience, nous entendons la manière dont est constitué le regard, la pensée, le jugement d’un homme. les normes et l’ordre y règnent, les attitudes qu’il adopte spontanément. La conscience serait donc chrétienne lorsque, pour elle, serait vrai ce qui est vrai du point de vue de la révélation, possible ce qu’elle déclare possible, bon, beau, noble, familier, pacifiant, ce qui ‘lest selon la révélation.
L’oraison a un objectif précis. Elle met devant les yeux du croyant le message de Dieu, en élucide le sens, pénètre à l’intérieur de son contenu, s’insère dans sa structure, s’habitue à sa signification. Ainsi s’accomplit la conversion du regard, de la pensée, cette transformation de la spontanéité vivante  sans laquelle la conversion des mœurs reste fragmentaire. Par l’oraison se forme la conscience chrétienne.

Méthode et progrès de l’oraison

Nous nous demandons comment il faut s’y prendre pour faire oraison. Ici encore, la préparation est primordiale et décisive.  Il y a préparation éloignée et préparation immédiate. La préparation éloignée consiste à ordonner mes pensées à l’oraison que je vais faire. Je ne peux pas m’y prendre n’importe comment, il faut que je sache à quoi elle doit aboutir. Une vérité de la foi révélée ou une pensée d’un homme inspiré peut m’aider. L’objet propre de l’oraison est l’Ecriture Sainte et plus particulièrement la personne et la vie de Jésus Christ. «  Je suis la voie, la vérité et la vie » disent de la manière la plus explicite ce dont il s’agit dans l’oraison. Il s’agit de trouver les chemin qui conduit du Père aux hommes et des hommes au Père, la vérité sainte qui nous est révélée sur ce chemin, la vie à laquelle nous participons dans le Christ. Les livres de médiation toutes faites peuvent aider au début car ils montrent comment on dégage le sens d’un texte de l’écriture et ce qu’on peut y puiser dans sa propre vie. Cependant, à la longue, cela s’avère trop artificiel. et on s ‘aperçoit que le livre de méditation par excellence est l’Ecriture Sainte elle-même. La préparation éloignée consiste donc à choisir un texte approprié. Le mieux est de prendre pendant un certain temps un des Evangiles ou les actes des Apôtres, ou un épître. Et d’en choisir chaque jour un passage. Il vaut mieux ne pas prendre un texte trop long pour ne pas s’y perdre. Ni trop court pour que l’esprit puisse trouver une matière suffisante. On peut s’arrêter sur un événement de la vie de Jésus ou sur un de ses discours. Avec le temps, on s’arrêtera sur une phrase de plus en plus courte. On prépare ce texte le soir pour qu’il soit prêt le lendemain matin. On peut lire un commentaire pour ne pas être arrêté par une difficulté au cours de l’oraison.
Vient ensuite la préparation immédiate. Tout ce qu’on a dit est valable mais cela revêt une importance encore plus capitale. Car si dans la prière on est aidés par les paroles prononcées, dans l’oraison, l’esprit risque vite de vagabonder. Il faut se concentrer sur l’attitude extérieure et demeurer calme et éveillé. Il appartient à chacun de savoir s’il vaut mieux se mettre à genoux, s’asseoir, ou marcher de long en large. On se concentre ensuite sur le calme du corps, des pensées, des sentiments, rien ne doit être plus important que la prière.
Une fois recueilli, on prend le texte choisi et on y applique sa pensée d’un bout à l’autre. On peut le lire phrase par phrase, essayer de se représenter la scène par imagination de façon aussi sensible que possible, comme un témoin au bord de la route. Mais cela ne convient pas à tout le monde. On peut se poser des questions comme de qui s’agit-il, qui est-ce, que fait-il, que lui arrive t-il, que dit-il, que veut-il dire, comment se comportent les autres…Le cœur doit être présent, pas seulement s’y prendre comme pour un travail scientifique. La vérité est une sagesse, un savoir du cœur, une prise de  conscience de l’âme, où l’homme intérieur accepte d’apprendre.
Ainsi la pensée se transforme en prière car l’oraison est une prière. Quand on fait suffisamment d’effort pour reconstituer une scène, on en fait ensuite pour entrer en dialogue avec le Christ, comme s’il était véritablement présent. Le Seigneur n’a pas seulement existé dans le passé, Il est présent parmi nous. Le Seigneur est là présent et Il nous appelle. Celui qui fait oraison doit s’adresser à Lui, lui dire sa foi et son amour, lui poser des questions, lui dire tout ce qu’il a dans le cœur .
L’oraison doit manifester ses effets dans la vie. On ne peut pas se dispenser des retours sur sa propre vie. Ce qui est écrit est écrit pour notre sanctification. Chaque mot de la révélation est le point de départ qui aboutit à notre vie. La révélation nous est un avertissement et une indication sur ce que nous avons à faire, à éviter ou à surmonter. On prend alors des résolutions qu’on confie à Dieu (je veux changer sur tel point). Nous finissons par nous connaître nous-mêmes, nos fautes etc. L’oraison est une éducation intérieure de l’homme.
Comme l’oraison est une prière, on doit se trouver face au Dieu vivant et chercher la face de Dieu , se frayer un chemin vers son cœur. Petit à petit, une seule idée suffit à chercher Dieu. Mon Dieu et mon Tout suffit à St François pour toute une nuit. Quand toute parole cesse, reste l’élan vers Dieu, un courant dans les deux sens. Il ne faut pas alors se forcer à retourner vers la diversité des idées.
Les gens calmes et intérieurs ont moins de difficultés avec l’oraison que les nerveux. L’oraison peut être une joie profonde mais aussi parfois une grande difficulté.

L’oraison mystique

Parfois, celui qui fait oraison fait une expérience étrange : Dieu est là. Il n’y a pas de doute possible au moment de l’expérience, les doutes viennent après. Il sait. Il sait aussi que c’est sacré. Et que ce sacré se manifeste. Le mot mystique désigne une expérience de Dieu et du divin. Il peut y avoir des images et des paroles intérieures.

Cela a des exigences : Dieu par elle, appelle l’homme près de Lui à une communion plus profonde. L’appelé doit se libérer de ses entraves terrestres et se purifier. cela signifie aussi pour d’autres de témoigner( Je sais que Dieu vit). Il faut avant tout veiller sur ce don de Dieu et le respecter. Il faut s’approcher et prier le plus possible. On doit dire au Christ, tout cela je n’en veux que si cela vient du Christ. On doit être plus sévère avec soi-même. Plus scrupuleux dans ses devoirs, plus enclin à la prière, plus rigoureux dans le choix de ses relations, de ses lectures, de ses distractions. On devra éviter d’en parler car le caractère est trop sacré et s’en ouvrir à son Père spirituel qui donnera les indications nécessaires. C’est une grâce de Dieu qu’Il donne à qui Lui plait.       

La prière, partie 5

Voici une dernière série d’attributs de Dieu.
Il est puissant et riche, prompt à donner son aide et généreux. Il se soucie de l’homme, il l’estime et il l’aime. C’est vers cet aspect de Dieu qu’est dirigé ce mouvement de prière : la prière de demande et l’action de grâce.
Dieu est esprit, c’est un Dieu vivant. Il est le Créateur et l’inépuisable, proche et bon. Il ne se contente pas de jouir de sa propre richesse, Il la partage. Il est l’infiniment généreux qui ne s’appauvrit jamais et n’est jamais déçu car Il ne dépend pas de ce qu’on pourrait lui donner en retour. Il donne en créant. La révélation nous dit qu’il aime l’homme et qu’il s’intéresse à lui. La révélation est remplie de cet amour de Dieu tout au long de l’écriture sainte et Jésus est rempli de cet amour.  Cet amour est digne de Dieu et de l’homme en tant que personne. C’est pour cela que Dieu respecte l’homme, l’ayant voulu personne digne et responsable, Il se comporte comme il convient vis à vis d’une personne.

La prière de demande

C’est à ce Dieu que s’adresse la prière de demande. Elle jaillit parce qu’elle correspond à la nature de Dieu et à la vérité de l’homme. Un enfant dans le besoin se tourne vers sa mère. De même l’homme tourne son cœur vers Dieu. Pour recevoir notre pain quotidien, c’est à dire tout ce dont nous avons besoin pour vivre, nous nous tournons vers Lui. Quand les disciples se tournent vers Jésus pour qu’Il leur apprenne à prier, Il leur donne le Notre Père qui est une prière de demande complète. Nous devons tout demander, ce qui est nécessaire à notre vie mais aussi la force pour notre travail, le secours dans la détresse spirituelle, le courage dans le combat moral, la connaissance de la vérité, notre croissance dans l’amour et dans le bien. Notre vie est fonction de Dieu, tout ce que nous faisons vient de Dieu et doit aller vers Dieu. La prière de demande est plus qu’un appel au secours. C’est l’expression d’une réalité : l’homme n’existe que par Dieu et il tient tout de Lui : force, liberté, vie, destin. La prière de demande ne doit pas oublier le prochain. Il est beau d’exposer dans la prière tous ceux que l’on aime, d’exposer à Dieu leurs difficultés, leurs besoins particuliers et leurs désirs. C’est devant ce Dieu que nous portons les grands intérêts de notre communauté : les décisions de l’Histoire, les besoins de la nation, les misères du temps. Chacun est responsable des misères du monde.
Parfois, on remet tout en question. Par exemple, dans une grande détresse, on a prié et on a le sentiment de ne pas avoir été exaucé, de plus, en s’endurcissant avec le temps, l’homme apprend à se contenter de ce qu’il peut atteindre . C’est le découragement. Or, il est nécessaire que la foi soit plus forte que le sentiment. Il faut prier l’amour de Dieu même quand le cœur trouve que cela n’a pas de sens. L’homme s’apercevra alors qu’il a été exaucé mais d’une manière tout autre que celle à laquelle il avait pensé.
Certaines personnes vivent des choses où tout semble toujours tourner mal. Il y a un besoin d’amour humain qui ne semble plus exister. Tant que cet amour lui manque, l’homme doit s’en tenir à la foi qui lui dit que Dieu l’aime.
Quand Dieu nous paraît lointain, il faut se dire que Dieu est réel et s’accrocher à cela.  Sa réalité est d’une nature tellement élevée.
On peut aussi avoir l’impression que Dieu est faible face au monde.  Or, la vie de chacun est liée aux conditions extérieures, aux capacités intérieures et au passé. Il faut se rendre compte que si l’expérience compte une part de vérité, celle-ci n’est que limitée. La réalité reste dans la main de Dieu, Dieu aime l’homme et veut entrer en accord avec son cœur et sa volonté. La liberté de l’homme devient le point de départ d’une transformation du monde. Comme souvent, on a l’impression que c’est le matériel qui domine, je dois faire un effort pour me plonger dans la réalité éternelle et infinie de Dieu et me rendre compte que tout n’existe et ne subsiste que par lui et devant lui.. Le point où Dieu applique son action est le cœur de l’homme, sa volonté et son amour vivants.
L’orgueil peut lui aussi fermer les portes à la demande. L’homme trop fier ne veut pas prier. Or la fierté est un endurcissement qui détruit tout. Nous vivons de la grâce de Dieu et la vérité aussi bien que l’humilité consistent à le reconnaître et à agir en conséquence.
La prière de demande est de tous les temps. Elle n’est pas seulement du temps de la détresse.  Elle est un appel constant à la puissance créatrice et à la grâce sanctifiante. C’est pour cela qu’elle implique tout le temps : « non pas selon ma volonté mais selon la vôtre ». La plus grande part de notre vie appartient au secret de Dieu. Notre prière doit tenir compte de cela. Il nous faut accepter ce que Dieu juge bon.
Dans toute demande, il y a la volonté de celui qui la fait. Pas seulement la bonne  mais aussi la mauvais sous forme d’égoïsme qui considère notre existence comme le centre du monde. Il faut accepter que notre demande soit soumise au jugement de Dieu. Elle peut être écartée ou modifiée par Lui. La demande des demandes c’est : que votre volonté soit faite.
La prière de demande ne s’adresse pas qu’à la justice et à l’ordre mais surtout à l’amour de Dieu  vivant. L’amour est liberté. Cette prière n’a rien d’autre à faire valoir que la détresse, le besoin, l’appel pour que l’amour de Dieu agisse et crée, sans autre cause que lui-même. Que votre volonté soit faite et non la mienne signifie en définitive : que votre amour agisse.

La reconnaissance

Sitôt exaucée, la demande se mue en reconnaissance qui jaillit spontanément du cœur. Par elle, l’homme répond aux dons de Dieu. Cela doit se faire en tout temps et pas seulement quand une prière a été exaucée. Cela consiste à reconnaître que tout ce que nous sommes et tout ce que nous possédons vient de Dieu. On l’admet et on le remercie. L’exemple des dix lépreux nous montre combien il est grave d’oublier  la reconnaissance. L’univers doit son origine à al liberté de Dieu et cette liberté est amour, c’est pourquoi elle peut avoir comme réponse la reconnaissance. Remercier Dieu d’avoir créé le monde est un acte grand et conforme à la vérité et à la réalité .
Il ne va pas de soi que nous existons. Et il ne va pas de soi que les autres hommes existent. Les relations humaines découlent de rencontres. Ou de la vie (parents enfants). L’homme auquel nous sommes lié nous est donné. Pour cela aussi nous devons être reconnaissants.
En ce qui concerne les événements, aucun n’échappe aux lois de la nature et de l’esprit. Mais ces lois ne sont qu’un instrument dans la main de la liberté créatrice de Dieu et l’expression de la fidélité de son acte créateur. Tout ce qui arrive est un don ainsi peut-on et doit-on rendre grâce pour toute chose. 
La reconnaissance s’exprime ainsi : Je vous remercie mon Dieu, de ce que je subsiste par vous. Je vous remercie de pouvoir connaître grâce à votre lumière, agir par votre force, être sanctifié par votre amour. C’est dans cette perspective que nos relations avec les hommes, avec les choses, les évènements prennent leur véritable sens. Les uns et les autres se présentent à moi non seulement comme partie de l’univers auquel moi aussi j’appartiens, mais comme les messagers et le formes de l’amour agissant de Dieu.
Il existe une forme divine de cette reconnaissance. Nous avons commencé à l’aborder en parlant de la louange. C’est rendre grâce à Dieu .
Le matin, quand on se réveille frais et dispos, c’est le moment idéal pour rendre grâce à Dieu. Je vous remercie de ce que je respire et ce que je suis. Je vous remercie pour tout ce que j’ai et ce qui m’entoure. Après avoir mangé, on peut dire, je vous remercie pour ce repas que j’ai goûté et qui est un don de vous. Et le soir, on peut dire : si j’ai vécu, travaillé, etc aujourd’hui, c’est grâce à vous, au don de vous Pour cela, je vous remercie.
Nous devons remercier pour la foi. Pour ce qui est caché et sacré entre Dieu et nous. Nous devons remercier, même si cela est difficile, pour tout ce qui nous arrive, même si c’est amer et dur. Car c’est figure et messager de la grâce. Portée par la foi, la gratitude peut transformer toute difficulté.

La Sainte Trinité et la prière

La relation entre Jésus et son Père n’est pas la même qu’entre le Père et chacun d’entre nous. Le Christ a bien vis à vis du Père une attitude d’obéissance mais ce n’est pas celle des créatures face au Créateur. Son obéissance est de plain-pied avec le commandement du Père. L’une et l’autre sont de nature divine. Devant la face du Père, il y a la face du Fils, toutes deux divines. Mais il y a aussi une troisième face, celle de l’Esprit Saint que Jésus annonce pour la Pentecôte.
Dieu, Unique et Un, solitaire dans sa seigneurie inaccessible, possède la communion à l’intérieur de Lui-même. C’est cela qui constitue la révélation suprême qui est contenue dans les mots Dieu vivant et Dieu riche. Dieu est fécond. le mystère de la naissance s’accomplit en lui. De toute éternité Dieu est Père et il est Fils (héritier de la vie). Comme Père, Dieu donne au Fils la plénitude de sa vie et de son être propres. Mais celui-ci ne s’en va pas pour devenir un Dieu autonome. Il demeure dans l’unité vivante, il se retourne vers le Père, dans l’amour. Il est sur le sein du Père comme le dit le Prologue de Saint Jean. La pleine liberté du Fils se réalise dans que son autonomie ne brise l’unité divine grâce à l’intervention d’une force sainte qui a son tour est quelqu’un et a un nom : le Saint Esprit. Le Saint Esprit est l’amour qui lie le Père et le Fils.
La révélation s’est accomplie en nous dévoilant ce mystère de Dieu ; la rédemption signifie que l’homme est introduit dans ce mystère. Le Fils éternel, le Logos, est entré dans le monde est devenu chair et il a partagé notre existence. Par là même, il nous a fait entrer dans la sienne. Il nous a enseigné le mystère de la nouvelles naissance : l’homme qui possède déjà sa première vie doit être introduit dans les profondeurs du sein de Dieu et y naître à une nouvelle existence. L’homme ira au Père comme son Fils, non par sa nature mais par la grâce. Et cela s’accomplit dans la force de l’Esprit Saint qui veut être son ami et son soutien. La prière du chrétien est la communion avec Dieu.

 La prière à Jésus Christ

C’est le Christ qui ouvre l’accès au Dieu trinitaire. Il est la porte comme Il l’a dit Lui-même. L’adaptation sacrée que doit accomplir la prière pour devenir chrétienne commence lorsque celle-ci s’établit dans un rapport correct envers le Christ devenu notre frère. Prier le Christ signifie entrer dans une relation où nous regardons sa face, l’apprendre et l’accomplir. Prier le Christ ne signifie pas essentiellement adorer et demander son aide. La véritable prière au Christ est celle qui réalise la relation dans laquelle Il nous fait entrer. Nous demandons au Christ qu’Il nous donne son amour et nous accoutumons notre cœur à entrer dans cet amour tellement différent de ce que notre nature appelle amour. Nous entrons dans l’acte rédempteur du Christ et nous lui demandons de nous représenter devant son Père.  Dans la prière qu’il adresse au Christ, l’homme cherche la face du Fils qui est devenu homme pour nous et il le fait avec confiance, parce que le Christ n’est pas simplement un personnage de l’histoire qui a jadis et n’a laissé derrière Lui d’autre traces que ses œuvres et ses actions. Le Christ est vivant, Il a existé, il existe encore et Il existera éternellement.
Saint Paul revient constamment sur cette présence mystérieuse du Christ non pas au dessus ou à côté de nous mais en nous. A sa résurrection il est redevenu homme au sens plein mais cette humanité a été transformée, spiritualisée, divinisée. Il est soustrait aux limites de l’espace, du temps, des choses et Il est capable de pénétrer jusqu’au secret réservé de l’âme humaine, sans en blesser la dignité. Le Christ vit dans celui qui a la foi et celui-ci vit en Lui. Croire, c’est être convaincu et pénétré de cette relation. Prier le Christ, c’est la réaliser par la prière. Par l’Eucharistie, le Christ est la nourriture sans cesse renouvelée de notre vie. Lorsque nous mangeons son corps et que nous buvons son sang sacré, ce qu’Il a dit s’accomplit : celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. La prière au Christ gravite autour de ce mystère.

La prière au Père

Le Père , c’est cette puissance, cette volonté sainte, cette patrie éternelle dont on sent la présence tout autour du Christ et qui s’évanouit aussitôt que nous nous éloignons de Lui. Si nous voulons aller au Père, il faut faire route avec le Christ, il faut nous servir des mots du Christ pour nous adresser à Lui. Il faut épouser les sentiments du Christ pour le chercher et pour le comprendre. Aussi est-il indispensable de méditer constamment sur la vie de Jésus, de s’assimiler à Lui, d’obéir à ses paroles.  Celui qui néglige de le faire tombe dans le profane. Les mots du Notre Père ont un sens aussi précis qu’infiniment profond. Mais ils ne le prennent que lorsqu’ils sont compris dans l’esprit même du Christ. Le sens du Notre Père  devient précis par les enseignements qui l’encadrent dans l’Evangile de Saint Matthieu et que nous appelons le sermon sur la montagne.
Parce que l’oraison dominicale est riche, vrai et simple, elle a facilement un autre sort, elle est récitée distraitement, sans respect, sans pénétration intérieure. Le chrétien doit dire le Notre Père avec recueillement et réflexion et mettre son cœur dans les paroles qu’il prononce.

La prière au Saint Esprit

Accepter et comprendre le Christ n’est possible que par l’intervention de celui qui est son égal et dans la force de qui le Fils de Dieu est devenu homme : le Saint Esprit.  C’est lui qui dessille les yeux, ouvre l’intelligence et remue le cœur. Cela nous éclaire assez sur ce que signifie avant tout la prière au Saint Esprit. C’est Lui demander qu’il nous donne le Christ. Le Christ, personnage de l’Histoire, voit ses traits voilés par des ressemblances que nous lui trouvons par notre volonté humaine, le Saint Esprit m’aide à le discerner.  Le Christ est attaqué et son message est noyé dans un torrent de malentendus, de déformations et d’hostilités. C’est l’Esprit qui doit donner à mon cœur et à mon intelligence l’assurance indispensable pour que je puisse trouver le chemin qui conduit à Lui. Le Christ est le seul, l’Unique et en même temps la Vérité. C’est le Saint Esprit qui doit m’enseigner cette connaissance de Jésus Christ. Le Saint Esprit doit éveiller en moi l’amour du Christ. Il nous apprend à comprendre le Christ et dans le Christ Dieu. Le Saint Esprit a réponse à toutes les questions auxquelles aucune sagesse ne saurait répondre. Il est l’humilité divine dont l’action est cachée. Il est oubli de soi et veut nous donner le Christ. Nous avons besoin de l’espérance et celle-ci est l’œuvre du Saint Esprit.