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La prière, partie 2

Le recueillement ouvre à la prière l’espace intérieur. En réalité, il vaudrait mieux dire que cet espace est « dans l’esprit ». Très précisément dans le « Saint Esprit ». Dieu est venu, Il est près de nous. Nous nous tournons vers Lui avec amour et nous tenons devant Lui par la foi. C’est ce qui constitue l’espace sacré..
Dieu par sa venue, crée l’espace vivant que l’homme découvre par le recueillement et dans lequel il se tient quand il est recueilli.
Dans le recueillement, l’homme qui prie dit : « Dieu est ici et moi aussi ». Il faut cependant se rendre bien compte que Dieu est présent de manière différente qu’un objet ou une autre personne. Je suis là simplement devant Lui et par Lui. C’ est une très grande notion  et cela concerne tout particulièrement l’adoration.
Mais qui est Dieu : celui qui a créé ? Son souffle ? Le sens des choses, la réalité ?  Il est Lui. L’alpha et l’omega de toute révélation, c’est le témoignage que Dieu est Lui-même.
Comme devant Moïse quand Il donne son nom et dit : « Je suis celui qui suis ». Il existe de par Lui-même et en Lui-même, il se suffit à Lui-même, Il est maître de Lui-même, libre et responsable de Lui seul. Cette pleine souveraineté sur Lui même est le propre de son essence.
Il est Lui-même , Il est personne, la Personne et l’homme est personne uniquement parce que Dieu l’appelle .
C’est à ce Dieu que s’adresse la prière.


L’homme est à l’image de Dieu. Ce n’est pas la même chose de parler de la face de Dieu et du visage de l’homme. Car si le visage de l’homme exprime ses sentiments, ses désirs etc, le visage de Dieu exprime quelque chose de nettement plus profond, de plus grand.
Le recueillement est le premier pas qui nous introduit dans la prière. Le second pas est la prise de conscience de la réalité de Dieu et la compréhension de la condition de créature. Le troisième pas est la recherche de sa Sainte Face. Dieu est celui qui me connaît et qui s’adresse à moi. Je ne suis rien devant Lui mais il Lui a plu de m’appeler et de m’établir dans une relation avec Lui telle que je sois seul avec Lui. La prière est l’entrée dans ce mystère d’amour. C’est ce qu’on doit comprendre quand on dit que l’homme doit chercher la Face de Dieu. Nous avons rarement conscience que Dieu est présent quand nous sommes entourés de tant de choses. Il faut que j’aille le chercher au delà de tout cela avec la Foi. Il me faut trouver la relation intérieure avec Dieu dans le dialogue avec Lui et la rétablir chaque fois que je l’ai perdue. La prière se transforme souvent en monologue au cours duquel nous débitons des mots. Nous devons donc continuellement faire l’effort de revenir au dialogue.
Dieu seul peut faire apparaître notre vrai visage, celui avec lequel nous avons été réellement créés.
Jusque là, nous avons parlé de discipline intérieure. Maintenant, nous devons aborder le sujet de la discipline extérieure.
Abordons ensemble la discipline du temps, elle est fondée sur les rythmes de la lumière, de l’activité humaine etc. Le jour se renouvelle chaque matin et s'achève avec la nuit qui est une préfiguration de la mort, des fins dernières. Entre ces deux pôles il y a le travail, la lutte, l’action, le destin, la croissance, la fécondité, les dangers. Tout cela s’exprime dans les prières du matin et du soir. La semaine est constituée de six jours de travail et d’un jour de repos. Six jours l’homme doit servir, le septième, il se repose. Le commandement du Seigneur est lié à la loi naturelle du septième jour. Ce septième jour cache le mystère du repos de Dieu. Le repos de l’homme ne prend son sens profond que dans le repos de Dieu. C’est à lui que l’homme doit s’ouvrir. Au mystère du repos de Dieu est lié le mystèe de la résurrection du Christ. Elle apporte au jour du Seigneur le triomphe de la victoire rédemptrice et la conscience de la création nouvelle. Ainsi le dimanche est le jour du Seigneur et par là même le jour de l’homme. Remarquons l’importance du samedi soir pour le dimanche. Aux yeux de l’Eglise, chaque journée commence la veille au soir . Le jour dépend de la manière dont nous avons passé la nuit.
Ce qui est le plus parlant du temps qui passe est l’année avec les saisons. Elle dépend de la course du soleil et de la floraison, les fruits etc soit de l’éveil au déclin de la vie.  Elle trouve son expression religieuse dans l’année liturgique de l’Eglise où les évènements de la vie du Christ sont liés à la marche de la vie solaire et du rythme de la vie. On recommence ainsi continuellement à commémorer la vie du Seigneur, à revivre la rédemption. La vie avec la liturgie, la lecture d’ouvrages appropriés, telle ou telle coutume familiale peuvent faire beaucoup pour colorer diversement la prière personnelle en lui donnant un contenu nouveau. Ici, se trouve l’importance de l’église dans la vie de chacun. Autrefois, c’était une évidence, on allait à la messe, on avait un crucifix chez soi. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. D’où l’importance que chacun développe en lui le sentiment d’être chez lui dans la maison de Dieu. On peut rentrer dans une église de temps en temps au fil de nos occupations quotidiennes pour y chercher le repos et le recueillement, le courage et la force, la consolation. Il est plus difficile d’imposer à la maison un lieu sacré. Une image sainte ne sert pas seulement à rappeler une présence. Elle manifeste son influence dans la maison. Elle met en garde, met de l’ordre, avertit. Le monde appartient à Dieu et à Dieu appartient cette image en miniature qu’est la maison.
Il y a des usages qui sont bons comme la prière de table que l’on récite debout et ensemble. Autrefois, le repas était un acte religieux pour tous les peuples. Il est souhaitable que la maman prie matin et soir avec ses enfants en faisant de ce moment un vrai moment de recueillement. Elle doit faire entrer dans ce moment les évènements de la vie afin que soit portée devant Dieu la réalité de la vie de la famille. La prière ne doit pas se servir tout le temps des mêmes pensées ni des mêmes mots Il faut aussi ne pas écourter la prière, en faire un temps réservé. On ne doit pas oublier non plus que l’attitude et les gestes comptent énormément. Ils expriment ce qui se vit dans le fond de l’âme. La position dans laquelle on prie n’est pas indifférente. On doit prendre une position de respect dû à Dieu. L’attitude aide l’âme dans la voie du respect et du recueillement intérieur. La prière à genoux reste l’attitude essentielle. C’est une attitude de discipline et non de confort qu’on peut bien garder quelques minutes . La position debout est belle. Elle indique la disponibilité : me voici Seigneur.

La position assise est bonne elle aussi à condition que ce ne soit pas une occasion de laisser aller. Elle convient à la méditation ou pour demeurer en silence avec Dieu. Les gestes peuvent être sacrés. Il en est ainsi du signe de croix. Il est l’expression de la foi, de l’adoration. Il est important de se rappeler l’importance des gestes pour bien faire les signes sacrés.

Initiation à la prière

La prière est une nécessité intérieure, une grâce et un accomplissement. Elle est aussi un devoir qui exige de la peine et un effort sur soi-même.
Il est impossible de saisir la vraie figure de Jésus et de comprendre sa vie sans la prière. Il a parlé explicitement de la prière notamment dans le sermon sur la montagne où il distingue la prière authentique du bavardage des païens et de l’étalage des pharisiens. Il y a aussi l’école de la prière que l’Eglise a institué dans sa liturgie qui est une prière unique en parole et en action à travers la simple récitation et le chant.

Comment se préparer à la prière ?

Il y a des prières de l’âme qui jaillissent spontanément. Parfois l’homme sent la proximité de Dieu si vivante qu’involontairement, il se met à lui parler. Mais si on est honnête avec soi-même, on se rend bien vite compte que la prière n’est pas seulement une expression spontanée mais avant tout un service dont il faut s’acquitter dans la fidélité et l’obéissance. Pour prier, il faut vouloir et apprendre.
Il faut s’en acquitter à des heures déterminées : le matin avant d’aller travailler et le soir avant de se livrer au repos. On peut aussi dire l’angélus, faire un moment de silence quand on passe devant une église. Il faut bien sûr corriger son attitude extérieure mais aussi son attitude intérieure. Il faut un certain recueillement et un choix de textes et de paroles appropriés. Par exemple en choisissant des formes de prière qui ont fait leur preuve : la méditation, le rosaire en sont des formes.
En général, ne nous leurrons pas, l’homme n’aime pas prier car il éprouve facilement de l’ennui, de l’embarras et de l’hostilité. Tout lui semble tellement plus attirant et plus urgent. Et on abandonne la prière pour des choses superflues.
L’homme doit cesser de tromper Dieu et de se tromper lui-même. Il vaut mieux dire carrément : je ne veux pas prier plutôt que de recourir à des ruses.
Cependant, on ne peut pas être chrétien sans prier comme on ne peut pas vivre sans respirer. Du simple point de vue de la bonne santé, la prière est indispensable. les médecins eux-mêmes le disent : un homme uniquement tourné vers l’extérieur et qui n’a pas de fondations intérieures cache une angoisse qui le guette. Le contrepoids ne peut pas être uniquement intellectuel. Ni consister uniquement en un week end à la campagne. La prière qui aide n’est pas celle à laquelle on se livre en vue de son efficacité (méditation pseudo religieuses coupées de Dieu). C’est celle qui repose sur un rapport intérieur avec Dieu. L’homme a besoin de la prière pour conserver la santé de son âme. De plus, sa foi ne reste vivante que s’il prie.
On peut se poser la question de savoir pourquoi il faut se préparer à prier ?

L’homme a besoin de Dieu, il le sait et il le cherche. Cependant, il veut souvent ignorer cette relation essentielle et il fuit Dieu ou s’oppose à lui. Cette contradiction se manifeste dans son attitude envers la prière. Aussitôt que l’homme reconnaît et accomplit le service sacré de la prière, il se sent dans le vrai, il est heureux et malgré cela il esquive la prière chaque fois qu’il le peut.  Il faut dire que les sens sont souvent stimulé. la relation à Dieu est plus intime et nécessite plus de volonté. L’espace est envahi très vite par la sensible. Si l’on veut parvenir à une véritable prière, il faut que ce qui, dans l’homme, est du domaine du sacré, puisse trouver de l’espace et se manifester. Pour ce faire, il faut d’abord privilégier une chose : le recueillement. 
Recueillement signifie apaisement. Il faut donc commencer par détacher des choses sa volonté et se dire : maintenant, je n’ai rien d ‘autre à faire qu’à prier. Pendant ces dix minutes –ou tout autre espace de temps fixé par lui- je ne ferai pas autre chose. Tout le reste n’existe pas, je suis tout à fait libre et je ne suis là que pour ça. Il faut se méfier d’une chose : quand on commence à prier, l’agitation intérieure lui présente aussitôt quelque chose d’autre à faire (travail, conversation, course urgente…). Se recueillir c’est vaincre cette agitation et s’établir dans le calme, se libérer de tout ce qui ne concerne pas la prière et se tenir à la disposition du seul qui compte à ce moment là : Dieu.  En deux mots, l’homme doit apprendre à être présent. C’est l’obéissance à Dieu qui l’appelle. Plus l’homme affermit son pouvoir sur les choses, moins il semble capable de trouver de la vraie place pour les choses essentielles. Si on veut prier, on doit rappeler son être du milieu de tous les objets qui nous dispersent et devenir présent. Le recueillement consiste à se ressaisir, à concentrer notre attention sur ce que nous devons faire, à rassembler les pensées qui s’échappent en tout sens.
Se recueillir veut dire aussi s’éveiller. Le calme et l’état de veille vont de pair. L’homme calme est capable de se recueillir en lui-même, de faire silence, de s’approfondir. Il est intérieurement en état de veille. Le recueillement est le seul état intérieur qui soit bon. C’est ce qui rend l’homme capable de s’établir dans les rapports qui conviennent avec les hommes et les choses.
C’est par le recueillement que débute la prière. Or, c’est quand nous essayons de nous calmer que la véritable inquiétude commence. C’est quand nous essayons de nous rendre présents que nous nous apercevons à quel point nous sommes dispersés dans tous les sens. Il faut prendre conscience de cela. Il faut passer par là pour apprendre à prier. Car le recueillement est déjà une prière. Prendre conscience de l’impuissance que l’on a est déjà une forme de prière.


Message de pour les fêtes de Noël et du Nouvel An. Mgr Georges Pontier Président de la Conférence des évêques de France.

Durant la période de Noël et du Nouvel An, nos cœurs, nos familles, nos villes se mettent en fête. Un vent de bonté, de générosité, d’attention aux autres, isolés ou malades, souffle et amplifie nos capacités d’affection. Nous échangeons des vœux. Les jours sont les plus courts, mais la fraternité humaine est à son zénith. Les chrétiens fêtent Dieu qui s’est fait frère et affirment que ce qui sauve l’humanité, c’est de trouver les chemins de la fraternité, de les retrouver autant que nécessaire, de les construire et les reconstruire sans se lasser !
L’élection du Pape François aura marqué cette année 2013. Venu du continent sud-américain, il a grandi dans un environnement différent du nôtre. Il a connu la dictature, la grande pauvreté. Il a entendu et poussé les cris d’appel en faveur d’un monde plus juste et fraternel. Depuis qu’il est élu, il ne cesse d’inviter à une vie plus sobre, à un souci des plus démunis, particulièrement des migrants de la faim, de la misère ou des guerres multiples. Sa journée à Lampedusa, son appel à la prière pour la Syrie, ses visites dans une favela de Rio ont redit avec force cet appel à la fraternité. Comment ne pas entendre que c’est dans cette voie de la fraternité et de la solidarité que se trouve pour l’humanité le chemin le plus sûr ? Or, on peut se demander si notre société ne cherche pas ailleurs la solution aux questions de ce temps et tout particulièrement dans un individualisme multiforme et trompeur, symptômes d’une modernité sans âme.
- Je pense aux personnes en fin de vie qui ont davantage besoin d’entendre la société soutenir auprès d’eux une présence chaleureuse, compétente et sans faille que d’être invités à chercher dans la mort l’issue d’une vie qu’ils ressentent trop dure. Comment se fait-il qu’on en vienne à organiser et légaliser l’acte du suicide qui est un acte de désespoir ? Ne peut-on pas réveiller et soutenir ce qu’il y a de meilleur : la capacité des médecins à soulager la douleur, la présence généreuse et aimante des familles et du personnel médical ? Comment peut-on penser que par de tels messages on construise un monde solidaire et digne ?- Je pense encore à ce projet de modification de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse qui, loin de permettre aux femmes en détresse d’être laissées moins seules devant leur responsabilité face à la vie naissante, sont quasiment incitées à ne se poser aucune question quant à l’élimination de l’être qu’elles portent en leur chair ? - Je pense à ces signaux donnés à de nombreux salariés pour les pousser à admettre qu’ils sont un poids pour la rentabilité de leur entreprise et qu’il faut bien qu’ils le comprennent, même si on le leur demande après des décennies de travail qui ont contribué à la marche de ces mêmes entreprises ?
Ne pas faire place à l’enfant à naître, ne pas accompagner la vie jusqu’au bout, ne pas offrir un avenir professionnel à des milliers de jeunes et adultes, ne pas regarder la vie à partir des plus fragiles, tout cela est un déni de fraternité et d’humanité. Une année nouvelle s’ouvre. Elle apportera son lot de bonheurs et de difficultés. Chacun souhaite un monde meilleur. Ce meilleur repose sur une répartition plus équitable des biens matériels. Il repose encore sur des comportements et des choix plus fraternels et généreux. Heureusement, nombreux sont ceux qui s’engagent dans ce sens. Des chrétiens ne sont pas les derniers. Qu’ils se souviennent d’éclairer leur engagement nécessaire et louable à la lumière qui rayonne de la vie du Christ. Trouver la manière chrétienne de vivre un engagement politique, social et associatif est sûrement une tâche qui se présente à nous dans un contexte nouveau.
Dans le message que le Pape François publie pour ce premier janvier 2014, il rappelle la parole de son prédécesseur Benoît XVI : « La mondialisation nous rend proches, elle ne nous rend pas frères. » Il invite à s’engager pour une culture de la solidarité et de la fraternité. Tel est peut-être le projet profondément humain, l’ambition planétaire dont le monde a besoin.


+ Mgr. Georges PONTIER Archevêque de Marseille. Président de la Conférence des évêques de France