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La prière, partie 6

La prière intérieure ou oraison

Toute prière doit être intérieure si elle ne veut pas être un simple verbiage. Nous allons parler ici d’une prière qui s’efforce de quitter la parole pour tendre au silence. Nous parlons d’oraison car les mots prière contemplative et méditation sont trop étroits pour la contenir entièrement. Cette prière est tournée vers la recherche de la vérité. La vérité sacrée en tant que telle. Elle voudrait savoir qui est Dieu, ce que signifie le royaume de Dieu, avoir une idée nette de la situation de l’homme, tirer au clair le problème de sa propre existence et se faire du monde une image exacte.
Or on ne parle pas ici de théologie ou de philosophie. La connaissance est ici affaire de l’homme tout entier. L’imagination, s’attachant à un symbole s’efforce par la contemplation d’entrer en possession de l’objet qui est caché derrière ce symbole. La raison procède par vérification, par approfondissement, par comparaison. Elle reconstruit l’ensemble à partir du détail. Le jugement discerne l’essentiel de l’accidentel, la fin et le moyen, la valeur et la non-valeur et prend position. La sensibilité est touchée, bouleversée, élevée, éprouve de la nostalgie ou a le sentiment d’un accomplissement. L’être vivant se tourne tout entier vers Dieu.
Au début, l’oraison a besoin d’un objet assez vaste, comportant de nombreux points de vue. Peu à peu son objet se fait à la fois plus étroit et plus puissant. Les idées gagnent en profondeur et en fécondité. Les actes spirituels prennent la forme de la simplification, de l’adoration, de l’aspiration. Les mots se font plus rares, le langage intérieur aboutit au silence. La connaissance doit passer en acte. « Comment suis-je » doit devenir  « comment dois-je être ? Que dois-je dominer ? Que dois-je éviter ? Que dois-je faire ? » La volonté tend à maîtriser les erreurs de la vie, créer un ordre qui permette une activité meilleure et féconde. L’oraison ne doit pas se laisser prendre au rêve ou à l’inconsistance. Celui qui prie doit s’approcher de Dieu et dans cette approche doit chercher à se simplifier et à se purifier.
La vérité que l’oraison propose d’atteindre est la révélation divine. Son objet propre est la parole de Dieu et la personne du Christ. La révélation signifie que Dieu s’adresse à la raison de l’homme pour qu’il se tourne vers Lui et cherche dans ses paroles l’explication de son existence.
Il s’agit d’accepter une vérité qu’on ne peut recevoir que de la bouche de Dieu et s’approprier vraiment dans la foi. C’est parce que l’amour propre résiste que cette connaissance exige en même temps qu’une conversion des mœurs celle du regard, du jugement, du sens du vrai et du faux, de la valeur et de la non-valeur, de l’être et de l’apparence. Il faut que l’esprit s’efforce à pénétrer dans les paroles et les figures sacrées et que le cœur se familiarise avec elles. A cette condition seulement, l’homme devient capable de pénétrer peu à peu le sens du message de Dieu. La foi chrétienne consiste pour l’homme à accepter la révélation comme le commencement et le fondement de sa vie, et à s’y enraciner par sa fidélité et son amour. La conscience chrétienne est plus que cela (nous entendons le mot conscience non pas au sens psychologique mais au sens qu’il couvre l’ensemble de la vie intérieure). Par conscience, nous entendons la manière dont est constitué le regard, la pensée, le jugement d’un homme. les normes et l’ordre y règnent, les attitudes qu’il adopte spontanément. La conscience serait donc chrétienne lorsque, pour elle, serait vrai ce qui est vrai du point de vue de la révélation, possible ce qu’elle déclare possible, bon, beau, noble, familier, pacifiant, ce qui ‘lest selon la révélation.
L’oraison a un objectif précis. Elle met devant les yeux du croyant le message de Dieu, en élucide le sens, pénètre à l’intérieur de son contenu, s’insère dans sa structure, s’habitue à sa signification. Ainsi s’accomplit la conversion du regard, de la pensée, cette transformation de la spontanéité vivante  sans laquelle la conversion des mœurs reste fragmentaire. Par l’oraison se forme la conscience chrétienne.

Méthode et progrès de l’oraison

Nous nous demandons comment il faut s’y prendre pour faire oraison. Ici encore, la préparation est primordiale et décisive.  Il y a préparation éloignée et préparation immédiate. La préparation éloignée consiste à ordonner mes pensées à l’oraison que je vais faire. Je ne peux pas m’y prendre n’importe comment, il faut que je sache à quoi elle doit aboutir. Une vérité de la foi révélée ou une pensée d’un homme inspiré peut m’aider. L’objet propre de l’oraison est l’Ecriture Sainte et plus particulièrement la personne et la vie de Jésus Christ. «  Je suis la voie, la vérité et la vie » disent de la manière la plus explicite ce dont il s’agit dans l’oraison. Il s’agit de trouver les chemin qui conduit du Père aux hommes et des hommes au Père, la vérité sainte qui nous est révélée sur ce chemin, la vie à laquelle nous participons dans le Christ. Les livres de médiation toutes faites peuvent aider au début car ils montrent comment on dégage le sens d’un texte de l’écriture et ce qu’on peut y puiser dans sa propre vie. Cependant, à la longue, cela s’avère trop artificiel. et on s ‘aperçoit que le livre de méditation par excellence est l’Ecriture Sainte elle-même. La préparation éloignée consiste donc à choisir un texte approprié. Le mieux est de prendre pendant un certain temps un des Evangiles ou les actes des Apôtres, ou un épître. Et d’en choisir chaque jour un passage. Il vaut mieux ne pas prendre un texte trop long pour ne pas s’y perdre. Ni trop court pour que l’esprit puisse trouver une matière suffisante. On peut s’arrêter sur un événement de la vie de Jésus ou sur un de ses discours. Avec le temps, on s’arrêtera sur une phrase de plus en plus courte. On prépare ce texte le soir pour qu’il soit prêt le lendemain matin. On peut lire un commentaire pour ne pas être arrêté par une difficulté au cours de l’oraison.
Vient ensuite la préparation immédiate. Tout ce qu’on a dit est valable mais cela revêt une importance encore plus capitale. Car si dans la prière on est aidés par les paroles prononcées, dans l’oraison, l’esprit risque vite de vagabonder. Il faut se concentrer sur l’attitude extérieure et demeurer calme et éveillé. Il appartient à chacun de savoir s’il vaut mieux se mettre à genoux, s’asseoir, ou marcher de long en large. On se concentre ensuite sur le calme du corps, des pensées, des sentiments, rien ne doit être plus important que la prière.
Une fois recueilli, on prend le texte choisi et on y applique sa pensée d’un bout à l’autre. On peut le lire phrase par phrase, essayer de se représenter la scène par imagination de façon aussi sensible que possible, comme un témoin au bord de la route. Mais cela ne convient pas à tout le monde. On peut se poser des questions comme de qui s’agit-il, qui est-ce, que fait-il, que lui arrive t-il, que dit-il, que veut-il dire, comment se comportent les autres…Le cœur doit être présent, pas seulement s’y prendre comme pour un travail scientifique. La vérité est une sagesse, un savoir du cœur, une prise de  conscience de l’âme, où l’homme intérieur accepte d’apprendre.
Ainsi la pensée se transforme en prière car l’oraison est une prière. Quand on fait suffisamment d’effort pour reconstituer une scène, on en fait ensuite pour entrer en dialogue avec le Christ, comme s’il était véritablement présent. Le Seigneur n’a pas seulement existé dans le passé, Il est présent parmi nous. Le Seigneur est là présent et Il nous appelle. Celui qui fait oraison doit s’adresser à Lui, lui dire sa foi et son amour, lui poser des questions, lui dire tout ce qu’il a dans le cœur .
L’oraison doit manifester ses effets dans la vie. On ne peut pas se dispenser des retours sur sa propre vie. Ce qui est écrit est écrit pour notre sanctification. Chaque mot de la révélation est le point de départ qui aboutit à notre vie. La révélation nous est un avertissement et une indication sur ce que nous avons à faire, à éviter ou à surmonter. On prend alors des résolutions qu’on confie à Dieu (je veux changer sur tel point). Nous finissons par nous connaître nous-mêmes, nos fautes etc. L’oraison est une éducation intérieure de l’homme.
Comme l’oraison est une prière, on doit se trouver face au Dieu vivant et chercher la face de Dieu , se frayer un chemin vers son cœur. Petit à petit, une seule idée suffit à chercher Dieu. Mon Dieu et mon Tout suffit à St François pour toute une nuit. Quand toute parole cesse, reste l’élan vers Dieu, un courant dans les deux sens. Il ne faut pas alors se forcer à retourner vers la diversité des idées.
Les gens calmes et intérieurs ont moins de difficultés avec l’oraison que les nerveux. L’oraison peut être une joie profonde mais aussi parfois une grande difficulté.

L’oraison mystique

Parfois, celui qui fait oraison fait une expérience étrange : Dieu est là. Il n’y a pas de doute possible au moment de l’expérience, les doutes viennent après. Il sait. Il sait aussi que c’est sacré. Et que ce sacré se manifeste. Le mot mystique désigne une expérience de Dieu et du divin. Il peut y avoir des images et des paroles intérieures.

Cela a des exigences : Dieu par elle, appelle l’homme près de Lui à une communion plus profonde. L’appelé doit se libérer de ses entraves terrestres et se purifier. cela signifie aussi pour d’autres de témoigner( Je sais que Dieu vit). Il faut avant tout veiller sur ce don de Dieu et le respecter. Il faut s’approcher et prier le plus possible. On doit dire au Christ, tout cela je n’en veux que si cela vient du Christ. On doit être plus sévère avec soi-même. Plus scrupuleux dans ses devoirs, plus enclin à la prière, plus rigoureux dans le choix de ses relations, de ses lectures, de ses distractions. On devra éviter d’en parler car le caractère est trop sacré et s’en ouvrir à son Père spirituel qui donnera les indications nécessaires. C’est une grâce de Dieu qu’Il donne à qui Lui plait.       

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