Durant la période
de Noël et du Nouvel An, nos cœurs, nos familles, nos villes se mettent en
fête. Un vent de bonté, de générosité, d’attention aux autres, isolés ou
malades, souffle et amplifie nos capacités d’affection. Nous échangeons des
vœux. Les jours sont les plus courts, mais la fraternité humaine est à son
zénith. Les chrétiens fêtent Dieu qui s’est fait frère et affirment que ce qui
sauve l’humanité, c’est de trouver les chemins de la fraternité, de les
retrouver autant que nécessaire, de les construire et les reconstruire sans se
lasser !
L’élection du Pape
François aura marqué cette année 2013. Venu du continent sud-américain, il a
grandi dans un environnement différent du nôtre. Il a connu la dictature, la
grande pauvreté. Il a entendu et poussé les cris d’appel en faveur d’un monde
plus juste et fraternel. Depuis qu’il est élu, il ne cesse d’inviter à une vie
plus sobre, à un souci des plus démunis, particulièrement des migrants de la
faim, de la misère ou des guerres multiples. Sa journée à Lampedusa, son appel
à la prière pour la Syrie, ses visites dans une favela de Rio ont redit avec
force cet appel à la fraternité. Comment ne pas entendre que c’est dans cette
voie de la fraternité et de la solidarité que se trouve pour l’humanité le
chemin le plus sûr ? Or, on peut se demander si notre société ne cherche pas
ailleurs la solution aux questions de ce temps et tout particulièrement dans un
individualisme multiforme et trompeur, symptômes d’une modernité sans âme.
- Je pense aux
personnes en fin de vie qui ont davantage besoin d’entendre la société
soutenir auprès d’eux une présence chaleureuse, compétente et sans faille que
d’être invités à chercher dans la mort l’issue d’une vie qu’ils ressentent trop
dure. Comment se fait-il qu’on en vienne à organiser et légaliser l’acte du
suicide qui est un acte de désespoir ? Ne peut-on pas réveiller et soutenir ce
qu’il y a de meilleur : la capacité des médecins à soulager la douleur, la
présence généreuse et aimante des familles et du personnel médical ? Comment
peut-on penser que par de tels messages on construise un monde solidaire et
digne ?- Je pense encore à ce projet de modification de la loi sur
l’interruption volontaire de grossesse qui, loin de permettre aux femmes en
détresse d’être laissées moins seules devant leur responsabilité face à la vie
naissante, sont quasiment incitées à ne se poser aucune question quant à
l’élimination de l’être qu’elles portent en leur chair ? - Je pense à ces
signaux donnés à de nombreux salariés pour les pousser à admettre qu’ils
sont un poids pour la rentabilité de leur entreprise et qu’il faut bien
qu’ils le comprennent, même si on le leur demande après des décennies de
travail qui ont contribué à la marche de ces mêmes entreprises ?
Ne pas faire place
à l’enfant à naître, ne pas accompagner la vie jusqu’au bout, ne pas offrir un
avenir professionnel à des milliers de jeunes et adultes, ne pas regarder la
vie à partir des plus fragiles, tout cela est un déni de fraternité et
d’humanité. Une année nouvelle s’ouvre. Elle apportera son lot de bonheurs et
de difficultés. Chacun souhaite un monde meilleur. Ce meilleur repose sur une
répartition plus équitable des biens matériels. Il repose encore sur des
comportements et des choix plus fraternels et généreux. Heureusement, nombreux
sont ceux qui s’engagent dans ce sens. Des chrétiens ne sont pas les derniers.
Qu’ils se souviennent d’éclairer leur engagement nécessaire et louable à la
lumière qui rayonne de la vie du Christ. Trouver la manière chrétienne de vivre
un engagement politique, social et associatif est sûrement une tâche qui se
présente à nous dans un contexte nouveau.
Dans le message que
le Pape François publie pour ce premier janvier 2014, il rappelle la parole de
son prédécesseur Benoît XVI : « La mondialisation nous rend proches, elle ne
nous rend pas frères. » Il invite à s’engager pour une culture de la solidarité
et de la fraternité. Tel est peut-être le projet profondément humain,
l’ambition planétaire dont le monde a besoin.
+ Mgr. Georges PONTIER Archevêque
de Marseille. Président de la Conférence des évêques de France
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